Dictionnaire historique de la langue française
Le Dictionnaire
historique de la langue française d’Alain Rey (Le Robert, édition de 2006) est
un trésor d’érudition qui retrace avec brio la longue histoire de la langue
française et évoque les nombreuses péripéties qu’ont connues les mots pour
arriver jusqu’à nous.
On trouve dans les pages du dictionnaire de nombreux mots
rares (« montueux », « mystagogue ») ou techniques (« calcédoine »,
« moraille »), mais beaucoup d’entrées sont aussi l’occasion de faire
mieux connaissance avec des mots de la langue courante dont on croyait tout
savoir mais qui se révèlent finalement riches de mille secrets. Ainsi, nous
savons tous que la « lurette » est toujours belle, mais beaucoup
découvriront que ce mot est « une forme corrompue de heurette, diminutif d’heure,
signifiant ‘petite heure », et que « dans le nord et l’est de la France,
on emploie encore il y a belle heurette »
(p. 2070). Le dictionnaire éclaire également les injustices dont ont été
victimes certains mots : pourquoi, par exemple, le verbe « cachotter »,
dérivé diminutif de « cacher », n’a-t-il pas réussi à s’imposer quand
« cachottier » et « cachotterie » ont connu un tel succès ?
Cet ouvrage, dont on devine le travail de recherche colossal
qu’il a dû nécessiter, est une mine d’or pour les linguistes, mais aussi pour
les jurilinguistes. Les entrées sur lesquelles s’ouvre et se ferme la page 1809
intéresseront tout particulièrement ces derniers.
On apprend ainsi, à l’entrée « inculper », que le
mot « inculpé » a d’abord « signifié ‘accusé’ en général (1611) »,
avant de devenir « un terme technique de droit (1810) distinct d’accusé ». Par ailleurs, « le
moyen français connaissait inculpé au
sens d’‘irréprochable, innocent’, emprunt au latin classique inculpatus ». Ajoutons qu’en droit
français, le terme « inculpé » a été remplacé par « mis en
examen ».
La page 1809 se referme sur le verbe « indaguer »,
qui, « introduit avec le sens étymologique de ‘rechercher’, est sorti d’usage
en France après le XVIe siècle », mais « reste vivant en Belgique
comme terme de droit, signifiant ‘mener une enquête judiciaire’ ». Partageant
la même racine latine, les mots indagare
(enquêter) et indagine (enquête) restent
pour leur part des termes de base de l’italien juridique (voir aussi indagar en espagnol).
Ces deux entrées ne sont qu’un aperçu des nombreux trésors
que recèle le Dictionnaire historique de
la langue française pour le jurilinguiste. Je crois que je n’ai pas fini de
butiner dans ses pages, en quête de nouvelles pépites dont je ne manquerai pas
de vous faire profiter.
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