"A generous and elevated mind is distinguished by nothing more certainly than an eminent degree of curiosity, nor is that curiosity ever more agreeably or usefully employed, than in examining the laws and customs of foreign nations." (Samuel Johnson)

vendredi 17 décembre 2010

Essential Facilities Doctrine

Elaborée aux Etats-Unis puis reprise en Europe, cette doctrine, qui relève du droit de la concurrence, vise à éviter les abus de position dominante. Selon cette théorie, « une entreprise en concurrence avec d'autres sur un marché pertinent peut être poursuivie pour abus de position dominante lorsque l'entreprise en position dominante profite du monopole qu'elle détient sur des infrastructures essentielles aux activités déployées sur le marché pertinent pour soumettre leur accès à des conditions anormales ». (http://www.en-droit.com/jurisprudence_resumes/conc_25.01.2000.htm)

L’essential facilities doctrine est née officiellement en 1912 avec la décision Terminal Railroad de la Cour suprême, mais l’affaire de référence en la matière reste MCI Communications Corp. v. AT&T, à l’occasion de laquelle le Septième Circuit a défini les quatre éléments qui doivent être réunis pour pouvoir invoquer cette théorie (control of the essential facility by a monopolist, a competitor’s inability practically or reasonably to duplicate the essential facility, the denial of the use of the facility to a competitor, et the feasibility of providing the essential facility to competitors).

En français, plusieurs traductions peuvent être utilisées dont les plus fréquentes sont « théorie (ou doctrine) des installations essentielles » et « théorie (ou doctrine) des infrastructures essentielles ». On rencontre également parfois « théorie des facilités essentielles » mais cette traduction est à éviter en raison du calque contestable que constitue le terme « facilités » (cf. « L’application de la théorie des facilités essentielles au droit d’auteur »).

La difficulté de traduction que pose essential facilities doctrine tient essentiellement à la forte polysémie du terme facilities, dont les traductions possibles sont multiples. Dans son Guide pratique de la traduction, René Meertens propose ainsi, sans que cette liste soit exhaustive, « installations, infrastructures, aménagements, équipement(s), matériel, machine, appareils ; locaux ; réseau, système ; commodités… ». Cet autre commentaire dit toute la difficulté qu’il y a à cerner la notion d’essential facility : « An essential facility can be a product such as a raw material, or a service, including access to a place such as a harbour or a distribution network such as a telecommunications network. Essential facilities do not require "infrastructure". It may be a service connected to infrastructure (…). It may also be technical information necessary to competitors such as competitors in the computer peripherals market. Under antitrust case law some of the following facilities have been deemed essential: railway bridges, telecommunications network, local electricity transmission network, sports stadium and a multi-day ski-pass scheme (…). » (http://www.opengl.org/discussion_boards/ubbthreads.php?ubb=showflat&Number=228704&page=13)

Si le terme facility est particulièrement difficile à traduire, l’adjectif essential/« essentiel » n’est pas lui-même sans poser problème, comme en témoigne cet intéressant développement extrait d’un document-cadre de l’AELE : « Selon la jurisprudence actuelle, un produit ou un service ne peut être considéré comme "nécessaire" ou "essentiel" que s'il n'existe aucun substitut réel ou potentiel. S'il est irréfutable qu'une entreprise possédant une "installation essentielle" occupe, par définition, une position dominante sur le marché correspondant à cette installation, le contraire n'est pas nécessairement vrai. Le fait qu'une installation déterminée ne soit pas "essentielle" ou "indispensable", au sens donné par la jurisprudence actuelle, à l'exercice d'une activité économique sur un marché distinct n'exclut pas que le propriétaire de cette installation puisse être en position dominante. Par exemple, un opérateur de réseau peut se trouver en position dominante en dépit de l'existence de réseaux concurrents, si la taille ou l'importance de son réseau lui permet de se comporter de manière indépendante des autres opérateurs de réseau. En d'autres termes, il importe de déterminer si une installation donnée permet à son propriétaire d'être puissant sur le marché en question. Une fois ce fait établi, il est ensuite inutile d'indiquer que l'installation peut également être considérée comme "essentielle" ou "indispensable" au sens de la jurisprudence actuelle ». (http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:C:2006:101:0001:01:FR:HTML)

A la lecture de ces différents passages, on aura compris que les traductions proposées plus haut (« théorie/doctrine des installations essentielles » et « théorie/doctrine des infrastructures essentielles ») sont imparfaites mais elles n’en restent pas moins les plus fréquentes. On pourra aussi, le cas échéant, reprendre à la première occurrence tout ou partie du terme original avant d’en proposer une traduction qui sera ensuite reprise dans le reste du document, comme dans cet exemple : « Se référant à ce qu'il est convenu d'appeler la doctrine des "essential facilities" (installations essentielles), Bronner considère que Mediaprint est tenu d'octroyer un tel accès… ». (Conclusions de l’avocat-général Jacobs, (www.eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:61997C0007:FR:HTML)

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