"A generous and elevated mind is distinguished by nothing more certainly than an eminent degree of curiosity, nor is that curiosity ever more agreeably or usefully employed, than in examining the laws and customs of foreign nations." (Samuel Johnson)

vendredi 9 mars 2012

Uti possidetis (juris)

L'usage du latin dans les textes juridiques anglais est aujourd'hui proscrit par ceux qui préconisent ce qu'on appelle le Plain English. Lors de la réforme de la procédure civile britannique en 1999, plusieurs expressions latines ont en effet disparu des règles en la matière. Cependant, le droit international connaît de nombreux « termes d'art » qui sont restés (et resteront peut-être toujours) en latin, à la fois dans les textes anglais et français. Il n'est pas rare, en particulier, de trouver de tels termes dans les arrêts de la Cour internationale de Justice (CIJ). Il faut préciser tout de même qu'il s'agit strictement du droit international et que le latin du droit interne n'est pas forcément transposable en français. Les termes locus standi ou prima facie, par exemple, peuvent renvoyer à des notions de la common law, et c'est pour cette raison que la CIJ évite de les utiliser dans le texte français. Le traducteur français doit se demander dans de tels cas si l'expression latine dans le texte anglais est transposable. Un petit ouvrage utile en la matière est le Lexique juridique - Expressions latines (Henri Roland, Litec 1999). En droit international, par contre, l'usage de la même locution latine peut être figé dans les deux langues : « On utilise de telles citations dans la communication internationale entre juristes dans le but de garantir la compréhensibilité des messages juridiques » (Heikki Mattila, « Jurilinguistique et Latin juridique » in Jurilinguistique, Gémar et Kasirer (dir.), Bruylant 2005, p. 81).

Le terme uti possidetis (juris) est un bon exemple : on le rencontre dans les arrêts de la CIJ (textes anglais et français) portant sur des litiges en matière de territoire. Il s'agit du principe selon lequel le droit de possession d'un territoire est fixé par son état en droit à une date déterminée (voir Dictionnaire juridique de la Cour internationale de Justice, Moncef Kdhir, Bruylant 2000, p. 326 : « ce terme signifie : 'comme vous possédiez, vous possédez'. »). Ce genre de contentieux est souvent porté devant la CIJ, juridiction internationale qui ne connaît que de litiges interétatiques. La Cour a été saisie de plusieurs requêtes de pays dont les frontières faisaient l'objet de litiges depuis l'indépendance. Les juges doivent alors se fonder sur des actes qui remontent à l'époque coloniale pour déterminer la frontière telle qu'elle a été laissée par la puissance coloniale. Ainsi, dans l'affaire Bénin/Niger (arrêt du 12 juillet 2005), la Chambre a commencé par rechercher quelle était, « en application du principe de l'uti possidetis juris, ... la frontière héritée de l'administration française » (voir le résumé de l'arrêt à cette adresse : http://www.icj-cij.org/docket/files/125/8229.pdf).

Rubrique rédigée par James Brannan, traducteur à la Cour européenne des Droits de l'Homme

N.B. : Les termes "Uti possidetis juris" et "principe de l'intangibilité des frontières" sont souvent utilisés de manière interchangeable, le second permettant d'éclairer le premier.

Selon le Dictionnaire de la terminologie du droit international (Sirey, 1960, pp. 634-635), le terme "Uti possidetis" peut avoir deux sens : "A. Expression empruntée au droit romain et qui signifie référence à l'état de possession, à la situation de fait, cette référence pouvant être faite à la situation présente ou à une situation antérieure déterminée à cet effet (...). B. Uti possidetis de 1810. Expression employée par les Etats de l'Amérique du Sud pour désigner, en vue de la détermination de leurs frontières respectives, les limites administratives existant en 1810 entre colonies espagnoles."


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