"A generous and elevated mind is distinguished by nothing more certainly than an eminent degree of curiosity, nor is that curiosity ever more agreeably or usefully employed, than in examining the laws and customs of foreign nations." (Samuel Johnson)

vendredi 3 février 2012

Subpoena duces tecum

Si le terme subpoena (« assignation ») est répertorié dans tous les dictionnaires juridiques bilingues, il n'en va pas de même de subpoena duces tecum. Ce dernier terme est pourtant très usité dans la procédure américaine, où il désigne « a type of subpoena that requires the witness to produce a document or documents pertinent to a proceeding. From the Latin duces tecum, meaning "you shall bring with you". » (http://personalinjury.legalview.com/legal-dictionary/subpoena_duces_tecum/). Pierre Vialle apporte pour sa part cette explication : « Les injonctions subpoena duces tecum constituent aux Etats-Unis le procédé habituel pour requérir, par voie judiciaire et sous peine de sanctions pénales, la présentation des documents nécessaires à la solution d'un litige. » (Le privilège de l'exécutif et l'arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis relatif à l'affaire du Watergate, in Revue internationale de droit comparé, vol. 27, 1975, p. 838).

Dans la mesure où la subpoena duces tecum ordonne au témoin de produire certains documents ou d'autres pièces, il n'est pas rare d'y trouver ce genre d'injonctions : « To the person summoned: You are commanded to make available the documents and tangible things designated and described below (...) to permit such party or someone acting in his or her behalf to inspect and copy, test or sample such tangible things in your possession, custody or control. »

Avant de se poser la question de la traduction de ce terme, il est à noter qu'il est souvent utilisé tel quel, sous forme d'emprunt, par les juristes canadiens d'expression française : « (...) le Commissaire n'a pas compétence pour photocopier certains documents qu'il a reçus conformément à un subpoena duces tecum (...) » (Commissariat à l'information du Canada) ; « Un subpoena duces tecum a été signifié au responsable du BCP lui enjoignant de comparaître pour déposer devant le représentant du commissaire et d'apporter certains documents. » (document du Bureau du Commissaire à la magistrature fédérale). On notera au passage, dans ces citations, que le terme y est utilisé au masculin : « un subpoena ».

Dans d'autres cas, le terme est repris tel quel en français mais il est assorti d'une traduction explicative, destinée à en éclairer le sens : « Dans l'écriture déposée par la République de Croatie, s'agissant de l'injonction à produire, la subpoena duces tecum,... » (document du Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie) ; « la production d'enregistrements par le Président Nixon à la suite d'une subpoena duces tecum (injonction d'avoir à produire des documents), (...). » (Rapport de la Commission de réflexion sur le statut pénal du Président de la République ; nous soulignons). Avant d'entreprendre une traduction, le traducteur devra s'interroger sur la nécessité de conserver ou non le terme original, comme dans les passages ci-dessus : cela pourra être utile, par exemple, s'il est important de faire ressortir la spécificité du terme original.

S'agissant de la traduction du terme, outre les équivalences proposées ci-dessus, le traducteur pourra opter pour d'autres solutions, parmi lesquelles « ordonnance de production de pièces » ou « injonction de produire ». Le terme « ordonnance de soit-communiqué », proposé dans le Lexique juridique du Conseil de l'Europe, est à éviter dans la mesure où il désigne un concept différent de celui de subpoena duces tecum : « Ordonnance par laquelle le juge d'instruction (...) ordonne la communication de la procédure d'un dossier au procureur de la République qui devra ensuite lui adresser ses réquisitions. » (G. Cornu, Vocabulaire juridique)

Pour finir, il est à remarquer que le terme subpoena duces tecum est régulièrement employé dans les procédures engagées devant le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie (cf. ci-dessus). Voir par exemple cet extrait d'un mémoire d'amicus curiae soumis au Tribunal en l'Affaire IT-95-14-PT, le Procureur C.Tihomir Blaskic : « Un "supoena duces tecum" est un acte juridique revêtu de l'autorité juridictionnelle qui vise à la comparution devant un tribunal du destinataire de l'acte afin de présenter certains documents ou, à défaut, d'expliquer pourquoi il n'est pas en mesure de le faire. En cas de non-comparution et de non-présentation des documents demandés, le destinataire de l'acte se rend coupable d'obstruction - de délit d'entrave (contempt of court) - et encourt une sanction pénale. L'expression latine utilisée en droit anglo-saxon et reproduite dans l'article 54 du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal a été traduite dans la version française par "assignation". »

Le titre de l'article 54 bis dudit Règlement (« Orders (Directed to States) for the Production of Documents », en français « Ordonnances (adressées aux Etats) aux fins de production de documents ») est une traduction en anglais courant de l'expression latine subpoena duces tecum et rejoint dans ce sens la démarche de transparence parfois adoptée aux Etats-Unis : « In certain US jurisdictions which have de-emphasized the use of foreign words and phrases in court terminology, this type of subpoena is also called a "subpoena for production of evidence". » (http://www.search.com/reference/Subpoena_duces_tecum)


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