Parmi les titres de l’actualité, celui-ci a particulièrement
retenu mon attention ce matin :
« Affaire Ferrand : LR frappe à nouveau à la porte
du parquet » (Libération)
L’effet comique, certainement involontaire, produit par ce
titre – un parquet peut donc avoir une porte ? – tient bien sûr au double
sens du mot « parquet », qui classe celui-ci dans la catégorie, chère
à Gérard Cornu, des « termes de double appartenance », à cheval entre
la langue courante et le langage du droit.
Dans le contexte juridique, le mot « parquet » est
le plus souvent utilisé aujourd’hui, par métonymie, pour désigner l’ensemble
des magistrats du ministère public (procureurs, procureurs adjoints et
substituts). Le terme avait toutefois à l’origine un
sens beaucoup plus concret :
« Vieilli. Partie
de la salle d’un tribunal délimitée par les sièges des juges et le barreau où
se tenaient les avocats. Traverser le
parquet. » (Trésor de la
langue française informatisé, www.cnrtl.fr)
Comme nous le rappelle le TLFI, « parquet » se dit
aussi du «[l]ocal où se tiennent en dehors des
audiences les magistrats du ministère public. Aller
au parquet. »
Dans son Dictionnaire portatif de jurisprudence et de pratique (1766), Lacombe de Prezel nous éclaire sur l’origine du mot :
« PARQUET. C’est le barreau ou l’enclos
destiné pour les Avocats dans les salles où se tient l’audience. Parquet est un diminutif de Parc, qui signifie Clôture. »
Le double sens du mot « parquet » s’avère une
source inépuisable d’inspiration pour les auteurs à la recherche d’un bon mot. Le
succès du terme « parquet flottant », utilisé de manière détournée
pour pointer les atermoiements de la justice, est à cet égard particulièrement
frappant. On le retrouve par exemple dans ce titre, de Libération encore : « Philippe Courroye, des cimes de
l’instruction au parquet flottant » (article de 2014). Parquet flottant est aussi le titre d’un
roman, paru en 2009 sous pseudonyme, qui, selon la quatrième de couverture,
porte « un regard impertinent sur le monde très secret des procureurs de
la République ». Citons encore ces deux titres, qui jouent différemment
mais tout aussi efficacement de la métaphore : « Justice : un
parquet à rénover » (article de 2010, www.slate.fr),
« Tribunal d’Evry, le parquet grince » (titre d’une émission de 2002,
www.franceinter.fr).
Et quand le jeu de mots n’est pas recherché, il est quand
même là, sous-jacent, prêt à jaillir. Ainsi, quand Rachida Dati, alors Garde
des Sceaux, déclare, dans Le Figaro (Peines plancher : Dati met la pression
sur les procureurs, 03/10/2008, www.lefigaro.fr),
« [j]e demande aux procureurs généraux qu’il y ait systématiquement appel
du parquet quand des peines plancher ne sont pas prononcées », il est
permis de s’amuser du fait que, par la magie conjuguée de la métaphore et de la
métonymie, les peines plancher puissent entraîner des problèmes de parquet.
Il va sans dire que d’autres, bien avant les journalistes de
Libération ou de Slate, ont joué de la polysémie du mot « parquet » et de
sa « double appartenance ». Cet échange, extrait d’Un client sérieux, pièce de Courteline
de 1896, est à cet égard un modèle du genre :
Le substitut. (....) il a obtenu du Garde des Sceaux la promesse
d’être nommé substitut à Paris dès que se produira une vacance. Alors, il fait
tout ce qu’il peut pour faire un trou au Parquet!
L’huissier, qui a mal compris. --- Il veut faire un trou au
parquet?Le substitut. --- Oui.
L’huissier. --- Pour regarder ce qui se passe?
Le substitut. --- J’ai de la peine à me faire comprendre.
Je ne vous dis pas au parquet; je vous dis au Parquet! Le Parquet!...
Vous ne savez pas ce qu’on appelle le Parquet?
L’huissier. --- Ah! pardon!
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