Déjà auteur du très remarqué Spanish-English Dictionary of Law and Business (2 éd. 2012,
disponible sur www.createspace.com),
Thomas L. West vient de publier, toujours sur Createspace, un nouveau dictionnaire, intitulé Trilingual Swiss Law Dictionary.
Juriste de formation et ancien président de l’American Translators Association (ATA),
Tom West est traducteur juridique et formateur. De grande qualité, ses
formations rencontrent toujours un vif succès. Les participants à la dernière
édition de l’Université d’été de la traduction financière, qui s’est tenue à
Paris en juillet 2016, se souviendront de son exposé magistral sur les
difficultés de la traduction juridique du français vers l’anglais. Traduisant
du français, de l’espagnol, de l’allemand et du néerlandais vers l’anglais, Tom
West a aussi de solides notions de suédois, d’afrikaans et de russe. Dire qu’il
est une référence reconnue dans le domaine de la traduction juridique relève de
l’euphémisme.
Selon la présentation qui est en faite sur www.createspace.com, son dernier ouvrage,
le Trilingual Swiss Law Dictionary,
est le premier du genre : « This is the first trilingual dictionary
focused solely on Swiss legal terms, translating them from French into German
and American English and from German into French and American English ».
Le dictionnaire est peut-être le premier dictionnaire trilingue du droit suisse
dans la combinaison français/allemand/anglais, mais pas le premier dictionnaire
trilingue en général. Le Lexique
juridique italien/allemand/français d’Alfredo Snozzi (Helbing Lichtenhahn
Verlag, 2015) se classe en effet lui aussi dans cette catégorie, même s’il ne
se limite pas au droit suisse : « (…) le lexique est axé
principalement sur les droits italien et suisse, mais il fait également
référence à la législation et à la terminologie juridique d'autres pays
européens, en particulier la France et l'Allemagne. » (www.schulthess.com/buchshop/).
Qu’il soit ou non le premier dictionnaire trilingue consacré
au droit suisse, l’originalité du Trilingual
Swiss Law Dictionary de Tom West est ailleurs. Bien que la langue de
départ, dans les deux parties, soit différente – le français pour la première
partie, l’allemand pour la seconde –, la langue d’arrivée dans les deux cas est
l’anglais, et c’est là le grand point fort de l’ouvrage : proposer une
traduction anglaise systématique des termes allemands et français, accompagnée,
le cas échéant, d’une courte explication.
Comme
cela est indiqué dans la présentation de l’ouvrage, les traductions proposées
sont en anglais américain et non en anglais britannique. À ce sujet, l’auteur
apporte quelques précisions dans l’introduction du dictionnaire :
« I have used American terms instead of British ones, e.g. court of
appeals (not court of appeal); railroad (not railway); plaintiff (not
claimant); disability (not invalidity); elementary education (not primary
education). I have also consistently used American spelling (e.g., check,
offense, defense, indorsement, labor). »
L’introduction
apporte également de précieux éclairages sur la genèse de l’ouvrage. L’auteur y
pointe les lacunes des ressources existantes pour mieux mettre en évidence
l’originalité du dictionnaire. Il déplore ainsi l’absence d’équivalents anglais
systématiques dans TERMDAT, la base de données terminologique de la
Chancellerie fédérale, mise en ligne en 2011 (www.termdat.ch).
Selon lui, les dictionnaires papier ne valent guère mieux : « For
example, although the back cover of the latest edition (2002) of the Wörterbuch
der Rechts- und Wirtschaftssprache by Romain/Byrd/Thielecke promises that
it contains "Austrian and Swiss legal terminology," those entries are
few and far between; indeed, I have never found a Swiss term in that dictionary
at all. »
L’entrée en vigueur, le 1er janvier 2011, d’un
nouveau Code de procédure civile et d’un nouveau Code de procédure pénale a
permis d’harmoniser la terminologie au niveau fédéral, mais elle a aussi rendu
possible l’élaboration d’un dictionnaire qui n’aurait certainement pas été le
même s’il s’était agi de rendre compte de la terminologie antérieure à cette
date. Jusqu’en 2011, les 26 cantons suisses avaient en effet leur propre
législation, civile comme pénale, et donc leur propre terminologie. Au regard
de cette « cacophonie » terminologique, on comprend mieux les
difficultés qu’ont dû surmonter les auteurs de dictionnaires antérieurs à 2011.
L’adoption des deux nouveaux codes a entraîné un certain
nombre d’aménagements terminologiques dont l’auteur donne deux
exemples dans l’introduction : « What was known as an
"appel incident" in the former Loi de procédure civile in Geneva is
now called an "appel joint" in the federal code, while the term
"transport sur place" in Geneva law is now referred to as
"inspection". »
L’auteur évoque ensuite deux termes particulièrement
susceptibles selon lui de prêter à confusion : « One of these pairs
is séquestre/Arrest and saisie/Pfändung, both of which are sometimes translated
as attachment. But the first term (séquestre/Arrest) is really the one that
refers to "attachment" in the sense of "freezing" an asset,
while the second refers to actually seizing and levying execution on an asset.
The second pair, appel/Berufung and recours/Beschwerde, are both translated as
"appeal" but the first pair refers to an appeal to the highest court
in a canton, while the second refers to an appeal to the Swiss Federal Supreme
Court ». En guise de conclusion, l’auteur explique qu’il a également indiqué le
terme utilisé en France et/ou en Allemagne lorsque celui-ci diffère de la
terminologie suisse. En voici deux exemples :
autorisation de séjour (F : carte de séjour)
|
Aufenhaltsbewilligung
|
residence permit
|
contrat d’entreprise totale (F : contrat clés en
main)
|
Totalunternehmervertrag
|
turnkey contract
|
Un dictionnaire étant par définition toujours perfectible,
le Trilingual Swiss Law Dictionary
n’est bien sûr pas exempt de tout reproche. On pourra ainsi regretter l’absence
de certains termes propres au droit suisse. Citons par exemple, pour la
procédure civile, « cas clairs » (art. 257 CPC) ou « mise à
ban » (art. 258 et suivants CPC).
On pourra aussi déplorer, de manière plus générale, le fait
que le dictionnaire fasse l’impasse sur l’italien, qui est pourtant l’une des
quatre langues officielles de la Suisse.
Ces réserves, somme toute mineures, n’enlèvent rien à la
qualité globale du dictionnaire, dont les éclairages permettront certainement
d’éviter bien des erreurs de traduction. L’explication fournie à propos du
terme « poursuite », par exemple, vient utilement éclairer ce
« faux ami » particulièrement vicieux :
poursuite
|
Betreibung (D: Beitreibung)
|
debt collection (legal action to enforce payment in cash
or the provision of cash coverage by a debtor who fails to meet his payment
obligations)
|
Cette autre entrée fait la lumière sur un autre terme
susceptible de prêter à confusion de par sa proximité trompeuse avec une
institution française bien connue :
Conseil d’État
|
Regierungsrat
|
Council of State (government of one of the French-speaking
cantons, except for the République et Canton du Jura, whose government is
called le Gouvernement)
|
Le Trilingual Swiss
Law Dictionary rendra assurément de grands services aux traducteurs amenés
à traduire des textes juridiques suisses vers l’anglais, mais il permettra
aussi aux non-initiés d’accéder à une terminologie qui reste largement
méconnue : si la notion d’« accessoriété » vous est étrangère,
si vous vous demandez ce que peut être la « maxime des débats » ou la
« maxime d’office », ou si le terme « non-entrée en
matière » vous plonge dans la perplexité, ce dictionnaire est aussi fait
pour vous.
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